Un mardi matin, autour d’un café amer (ma tentative semi-ratée d’une cure « sans sucre »), une amie me lâche avec enthousiasme : « J’ai commencé un régime à 200 calories par jour. C’est hardcore, mais j’ai déjà perdu 3 kilos ! ». Elle souriait, fière, pendant que moi, je faisais une pause dramatique dans ma gorgée. 200 calories ? Pour vous donner une idée, c’est à peu près une barre de céréales et une pomme. Autrement dit, le déjeuner d’un moine en méditation prolongée. Alors évidemment, ma curiosité de journaliste s’est réveillée. Est-ce réellement efficace… ou simplement une parenthèse affamée menant tout droit au craquage ?
La promesse : rapide, radical, tentant… mais à quel prix ?
Le concept d’un régime à 200 calories par jour joue un peu sur la corde du miracle pressé. On veut perdre vite, sans attendre l’été évidemment. Et ces stratégies ultra-restrictives surfent sur ce besoin de résultats immédiats. En théorie, manger aussi peu force le corps à puiser dans ses réserves. Adieu poignées d’amour, bonjour taille de guêpe.
Mais en pratique, le corps n’est pas une simple calculatrice calorique. Il est un peu plus têtu que ça. Lorsque l’apport énergétique tombe sous un certain seuil — et 200 calories, c’est bien en dessous — le métabolisme ralentit. On parle du mode « survie ». L’organisme, pensant qu’il traverse une période de famine, baisse la dépense énergétique et stocke ce qu’il peut à la moindre bouchée.
Autrement dit : oui, on perd peut-être du poids au début, mais très vite, l’effet inverse se prépare en coulisse.
Les dangers d’un régime aussi restrictif
Avant même de parler d’efficacité ou non, il faut s’attarder sur les risques concrets. Car ce genre de régime n’est pas seulement difficile à tenir, il peut être franchement dangereux. Voici ce qui peut se passer :
- Fatigue extrême : dès les premiers jours, sans surprise, l’énergie chute librement. Le café ne suffit plus à masquer l’épuisement.
- Déficits nutritionnels : impossible de couvrir les besoins en vitamines, minéraux, protéines, acides gras essentiels… en 200 calories.
- Fonte musculaire : le corps puise, et pas seulement dans la graisse. Il attaque les muscles aussi. Bonjour la perte de force et le relâchement.
- Problèmes cognitifs : une alimentation aussi restrictive a un impact direct sur le cerveau : difficultés de concentration, irritabilité, voire déprime.
- Effet yoyo quasi-certain : le fameux. À la moindre reprise d’une alimentation normale, le corps stocke. Résultat : on reprend souvent plus qu’on n’a perdu.
Je me souviens d’une période, il y a quelques années, où moi aussi, j’avais tenté un jeûne prolongé. Pas aussi sévère, mais assez pour que ma coloc pense un soir que je faisais une crise de nerfs… alors que je cherchais simplement mes clés. Spoiler : elles étaient dans ma main.
200 calories par jour : pour qui, pourquoi ?
À noter tout de même : dans des contextes médicaux très spécifiques (et toujours encadrés par des professionnels), des approches très basses calories (parfois appelées VLCD : Very Low Calorie Diets) peuvent être utilisées temporairement. On parle ici de protocoles sous supervision, pour des personnes obèses présentant des risques pour leur santé. On est loin du petit régime bikini fait maison avec une carotte et un yaourt nature.
Les formules utilisées dans ces cas-là sont contrôlées sur le plan nutritionnel pour éviter les carences. Et surtout, elles s’inscrivent dans un programme global avec retour progressif à une alimentation équilibrée. Rien à voir avec le « je grignote une feuille de salade pendant huit jours et je croise les doigts pour ressembler à une silhouette Pinterest ».
L’alternative : perdre du poids sans se priver… de vivre
Alors, que faire si on veut mincir, se sentir mieux dans sa peau, mais sans flirter avec les 200 calories quotidiennes ? La réponse ne fait pas rêver en titraille de magazine, mais elle fonctionne : manger mieux, bouger plus, dormir assez. Voilà, c’est dit, et promis, ce n’est pas une punition.
Le corps adore la régularité, l’équilibre, le mouvement joyeux. Pas besoin de compter chaque bouchée ou d’éliminer totalement le chocolat noir (sinon je suis perdu). Voici quelques stratégies qui, elles, tiennent la route :
- Réduire les portions sans les annihiler : entendre ses sensations de faim et de satiété, ça change tout.
- Favoriser les aliments rassasiants : fibre, protéines, bonnes graisses. Un avocat est plus efficace qu’un biscuit allégé.
- Adopter une activité plaisir : danser, marcher, pédaler, nager… pas pour brûler, mais pour se reconnecter.
- Dormir suffisamment : car la fatigue donne faim. Et pas de concombre, non. De sucre, de gras, de réconfort.
- Écouter ses émotions : on mange rarement que par faim. Identifier le stress, la solitude, l’ennui. S’en occuper autrement.
J’ai rencontré Marc, 42 ans, lors d’un reportage dans un centre de remise en forme à Toulouse. Il avait perdu 18 kilos en un an, sans passer par des privations extrêmes. « J’ai juste arrêté de manger en faisant autre chose », m’a-t-il soufflé entre deux gorgées de thé. Oui, même manger en pleine conscience peut faire une différence.
Mais alors, pourquoi ces régimes extrêmes séduisent-ils toujours ?
Facile : parce qu’ils promettent du spectaculaire. Parce que dans une société où le résultat prime sur le processus, il est tentant de croire qu’on peut tricher avec la biologie. Et les réseaux sociaux, où des influenceurs s’affichent « transformés » en deux semaines, n’aident pas.
Ajoutez à cela un peu de désespoir personnel, un miroir capricieux, un maillot de bain trop serré, et hop, on tape « régime miracle » dans Google. Le piège est posé.
Mais perdre du poids, ce n’est pas juste une course au chiffre. C’est une histoire d’hygiène de vie, de respect du corps, d’habitudes durables. Et parfois, c’est aussi apprendre à aimer ce qu’on voit, sans forcément vouloir le retoucher. Facile à dire ? Peut-être. Mais tellement plus libérateur à vivre.
Et si on changeait de regard ?
Je ne dis pas qu’il faut ignorer ses envies de changement. Bien au contraire. Se sentir bien, évoluer, c’est légitime. Mais peut-être qu’au lieu de chercher la solution la plus extrême, la plus rapide, le plan miracle… on pourrait chercher ce qui nous fait du bien vraiment, au quotidien.
Un bon repas partagé, une promenade au soleil, une séance de sport qui rend fier, une respiration profonde après une journée difficile. Et surtout, s’éloigner des injonctions absurdes dictées par une société parfois obsédée par l’apparence.
200 calories, c’est une aberration pour le commun des mortels. Une promesse bancale qui, au mieux, ne tient pas dans la durée, et au pire, nous épuise. Par contre, reprendre les rênes doucement, avec douceur et lucidité, ça, ça change tout.
En écrivant ces lignes, je m’apprête à cuisiner un gratin de légumes avec une pointe de parmesan. Sans culpabilité, avec amour. Parce que manger, c’est aussi (et surtout ?) vivre. On repart de là ?